Nouvel exercice d'écriture à propos du barbu en manteau rouge.
Contrainte: écrire un portrait du père noël à partir d'une phrase tirée au hasard de Annie Ernaux La place.
"Il n’avait pas appris à me gronder en distingué et je n’aurais pas cru à la menace d’une gifle proférée sous.."
Le père noël
jurait en patois. Quand il était très énervé, il balançait devant des lutins
médusés de bonnes insultes cinglantes, plus ou moins articulées. Sa fille ne
les comprenait pas mais savait que si elles lui étaient destinées, l’heure était à
la punition. Il était dur le père noël. La vie ne lui avait pas fait de cadeau.
Ses parents l’avaient envoyé travailler à l’usine alors qu’il était enfant.
C’était une belle et neuve usine d’armement. Les petites mains du père noël passait allègrement dans les interstices là où aucun adulte ne pouvait aller. Parfois
l’une des mains des enfants restait coincée et le mutilait à vie. Il s’était
promis que s’il devait travailler un jour ce serait au bonheur des autres, des
plus petits.
Mais dans la
course au quotidien il avait oublié sa propre fille. Toujours obnubilé par le
fonctionnement de son usine de nain. Jamais il ne la faisait monter sur ses
genoux, trop fatigué de sentir les autres enfants sur les siens. Jamais il ne
pensait aux cadeaux qui lui feraient le plus plaisir. Il lui offrait des
poupées à l’œil niais et au sourire stupide. Elle les déshabillait et parfois
les jetait dans les toilettes. Les toilettes du père noël étaient régulièrement
truffés de poupées siliconées qui flottait indubitablement à la surface.
C’était les lutins qui allaient chercher les poupées dans la cuvette des WC.
Ils les lavaient les rhabillaient et lui ramenaient avec un grand sourire
satisfait du travail accomplis. Le père noël ne se préoccupait nullement du
bonheur de sa fille. Il fallait aussi s’occuper du bonheur des autres enfants.
Leur faire oublier leur misère durant une journée par an une nuit tout au plus.
Le père noël aimait par-dessus tous les jouets
cassés, tordus, un bras en moins, une roue brisée. Il passait le plus clair de
son temps dans son atelier pour les réparer leur donner une seconde vie, un
second souffle. Quand elle était plus jeune elle se blottissait au pied de
l’atelier pour le voir travailler. Il était minutieux et aucun détail ne lui
échappait. « Le monde des touts petits exigeait une très grande attention, disait-il ».
Il disait parfois que le plus beau dans la vie d’un homme c’était de pouvoir
les faire entrer dans un monde imaginaire ; là où rien ne pourra les
atteindre.
Elle avait
grandie depuis et pensait que tout ceci était de la foutaise. Elle ne voyait
dans ces fêtes qu’une grande mascarade, qu’une grande orgie de bonheur
synthétique orchestrait par son père. Plus la date fatidique approchait, plus
elle était oubliée, tous simplement effacée. Cette fois-ci elle allait lui
rappeler son existence. Elle prit un énorme bidon d’essence et quand les
lutins partirent en pause, elle déversa toute l’essence sur les jouets bien
alignés sur la chaine de montage. Elle craqua une allumette puis
une autre. De loin on voyait les flammes léchaient le toit de l’usine. C’est alors qu’elle entendit une grosse exclamation. Le père noël contemplait le désastre. Les lutins tentaient d’éteindre
l’incendie mais leur moyens rudimentaire n’y changeaient rien. Il était temps.
Elle prit son sac et partit en sifflotant, une fine neige commençait à tomber
mollement sur le sol.
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