Elle est seule, assise au bord du canal. Elle ne donne pas
de miettes aux pigeons. Elle ne regarde pas son portable. Elle écoute.
Qu’est-ce qu’elle peut bien écouter au bord du canal à cette heure ? On se
le demande ! Elle n’écoute pas les enfants avancer gaiement à trottinette
ou à dos de vélo. Elle n’écoute pas les pécheurs à quelques mètres raconter une
anecdote croustillante sur leur semaine de travail. Elle n’écoute pas la petite
vieille hurler des imprécations bizarres aux bancs publics. Elle n’écoute pas
l’homme jeune chantonner une chanson de son pays.
Elle entend sa voix intérieure. Ce n’est pas une voix
divine, ni une voix synthétique qui annonce les arrêts de bus. C’est une voix
réelle qu’elle écoute. Elle tonne et tempête cette voix comme si elle était des
milliers. Elle hurle et rit cette voix, tant et si bien que machinalement la
femme se bouche les oreilles. Étrangement muette, la femme ne dialogue pas avec
la voix, elle écoute juste. Ses mains se crispent sur le rebord de pierre. Les
pécheurs à proximité lui jettent des regards intrigués. Elle contemple l’eau
crasseuse du canal qui charrie les immondices de plastiques.
Soudain, elle se lève, ses pieds tenant tout juste sur le
rebord. Juste à cet instant précis, un homme dans la trentaine bien tassée
s’avance vers elle.
« _ Madame ? Êtes-vous Clara
Schoenberg ? »
Elle le regarde, surprise de l’avoir à ses côtés.
« _ Vous me suivez ? je suis ambulancier à
l’hôpital Sainte Anne dit-il d’une voix douce et posée, votre mère nous a appelé
pour vous emmener. »
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