samedi 13 mai 2017

la pluie d'été, poème



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La pluie d’été
Ruisselle sur les parapluies sombres
Les mains serrant la poignée de fer

Vue des Dieux : une marée noire
Vue des rats : des dômes alignés

La pluie d’été
Dégouline sur les mains froides
Le vent s’est levé

Les parapluies en rang serré
Le choc des matraques sur les boucliers

La pluie d’été
Mouille les parapluies retournés
Ces astres inutiles jonchent le boulevard

La pluie d’été
Dévale les trottoirs, la route
Pour se jeter
Goutte après goutte
Dans le caniveau

La pluie d’été
Eau limpide,
Charrie la poussière, les chants,
Les tracts, les déchets,
Le sang.

Elle laisse intacte
Le boulevard.

samedi 6 mai 2017

Ode aux petites robes, slam.




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Ici

O petite robe

Je me souviens
De toi, jetée
Dans un container
Aux taches vives
Que je ne pouvais effacer
Un de ces soirs
Où mon bien aimé
Ne t’avait pas apprécié

Là-bas
O petite robe

Robe consumée
Encore fumante
Les ourlets défaits
Les petites mains brunes
Qui te cousaient
Bleuies et asphyxiées

Ici
O petite robe

Que j’épie
De l’autre coté
du mi/roir
Ne sachant laquelle choisir
Moi puéril et consumériste ?
Ou moi étranglée
Par les fils
 « tradition » et  « modernité »
La-bas

O petite robe

Que j’ai troqué contre un
Putain d’Aka
Pour aller dézinguer
Au nom de la dignité
La tête velue
Des enfoirés

Ici
O petite robe

Que j’achète par paquet
Pour me sentir
Libre
Libre
D’être aimer

Là-bas
O petite robe

Que je cache
Sous un jupon
Ou dans un tiroir
Tu es
Un peu de ma vertu
Disparue
Un soir
A l’arrière d’un tacot défait
Je te retrouverais
Pour ma robe de mariée

Ici
O petite robe

Que je lacère
Méthodiquement
Avant de passer
A la chair
O petite robe
Qu’elles ont moqué
Conspué
Détesté et rient
O petite robe
Qu’elles ont crashé
Frappé et détruit

La-bas
O petite robe

O robe invisible et belle
O robe silencieuse et souriante
Des miss du sud
Que je présente
Blanchie et défrisée
Epilée et cellulitée
Défilant en uniforme
De la liberté
Devant tant de vieux
Amoureux
De la beauté



A toute les petites robes
Je répète
Les petites robes
L’incendie à commencer
Je répète
L’incendie à commencer
Nous irons nues sur les pavés
Nous irons nues j’ter les pavés
Nous irons nues

Le poète indien et le policier, nouvelle.



 "La poésie est une religion sans espoir" Cocteau

Akhil, son chapeau melon, et sa petite troupe d’apprentis poètes se tenaient chaque vendredi soir sur la place King George The first. Akhil (« roi » en indien) était le nom donné à sa naissance car son père pressentait qu’il aurait une grande destinée. Le père d’Akhil était un rêveur qui exaspérait sa femme à force de lancer le peu d’économie qu’il avait dans des projets étranges. Akhil, un intouchable parmi les milliers qui survivaient dans Mumbai voyait dans ce nom avec recul la marque ironique des dieux. Encore aujourd’hui le vieux poète ne pouvait offrir les crayons et le papier nécessaire à l’étude de sa chère poésie. Ainsi, il faisait répéter sans cesse des vers aux enfants de sa classe improvisée pour les obliger à muscler leur mémoire. Durant son cours, quand les petites mains frottaient un peu leurs yeux et une épidémie de bâillements survenaient, il faisait signe à ses jeunes disciples et tous se levaient comme une nuée de moineaux. Le poète leur permettait pendant quelques heures de ne plus être esclaves des adultes. C’était peu et c’était tout. Mais Akhil ne croyait pas que la poésie puisse changer la vision de gens, mais embellir un tant soit peu leur existence, ça, il y croyait plus fort que dans les dieux. Les yeux avides de savoir de ses élèves ça lui rappelait pas mal d’années en arrière lorsque lui aussi enfant cherchait à grappiller un peu de connaissances par ci par là.
 Cette époque dur et solaire où Akhil le roi, avait pour trône les marches du temple de Krishna. Parfois, il lui semblait que la pierre avait pris par endroit la forme de son postérieur, tant il passait d’heure à attendre les nombreux touristes en quête d’exotisme. Il leur vendait à grand renfort de cris ou de regard larmoyant des bracelets porte-bonheur. Ce commerce à la sauvette le protégeait du tri des ordures. Il devait s’y tenir. Pourtant Akhil bien jeune avait déjà d’autres projets pour lui-même. Le soir, il allait observer les sœurs de la charité donner des cours à des enfants ou des ados. Il n’osait jamais passer le seuil. Il restait à un endroit stratégique, peu confortable, se tenant sur la pointe des pieds pour apercevoir le cours à travers une fenêtre. Et il n’en perdait pas une miette malgré la fatigue qui l’envahissait. Un jour, concentré à épier Sœur Marie donnant un cours sur les proportions, il poussa un cri d’animal blessé. Quelqu’un venait de lui asséner un violent coup sur la nuque. Son agresseur le tenait fermement par une oreille pendant que l’enfant se tordait dans tous les sens, essayant de se dégager par tous les moyens. Soudain, pris d’une impulsion, il planta ses crocs dans la cuisse tiède de l’homme. Surpris, l’homme hurla de douleur et rejeta violemment la tête de l’enfant qui heurta le mur de l’école. Après c’était flou, il se souvient des cris de femmes, qu’on le dépose sur le sol certainement à l’intérieur de la classe. La seule chose qu’il se souvient c’est le visage de Sœur Marie, un visage d’ange au milieu de tous les visages d’enfants penchaient sur lui. Il avait enfin mis un pied dans la forteresse savoir, il ne la quitterait plus.
Akhil s’ébroua un peu comme au sortir d’un rêve étrange. Les souvenirs sont un monde à part entière dont on ne ressort pas indemne. Akhil sentie l’odeur délicieuse des pains préparés par la vieille Aya qui s’activait comme toujours. Il se remémora la scène de la semaine dernière. Le vieux poète était assez intelligent et observateur pour comprendre que la vieille vendeuse de chappattis ne lui en voulait pas vraiment à lui en particulier. Mais elle représentait cette catégorie de personne rongée par un poison qui à force d’être ingurgitée fini par rendre fou. De plus, Akhil avait un grand respect pour ceux qui cuisinent, tranchent, touillent, battent, versent et utilisent les lois subtiles de la chimie pour que nos papilles chantent. La séance tirait sur sa fin, le vieil hindou avait écouté consciencieusement un enfant réciter un quatrain de son cru. Il fit un signe de tête et les petits se dispersèrent. Tranquillement, le policier au ventre de bouddha, celui de la séance dernière s’avança en souriant.
« _ Bonsoir ! Bonsoir ! Tu te souviens de moi ? je suis venu t’aider la semaine dernière. 
_ je n’avais pas besoin d’aide.
Le policier toussota.
« _ Oui ! Oui peut être ! En tout cas je venais parce que moi aussi j’écris un peu. Ça fait quelques années maintenant. J’ai la fibre artistique comme qui dirait. Quand j’étais plus jeune je voulais devenir acteur mais avec ma famille tout ça je n’ai pas pu. Alors j’ai fini dans le plus triste théâtre que la vie peut connaitre celui du crime et de la justi…
_ Qu’est-ce que tu veux ?
_ Hum ! J’aimerais savoir si tu étais d’accord pour m’enseigner aussi l’art de la poésie.
_Je n’enseigne pas aux adultes.
_ Pourquoi pas ?
_ Les adultes n’écoutent rien, c’est trop tard pour les redresser.
_ On pourrait dire que ce serait comme une collaboration d’écrivain à écrivain ? Tu pourrais venir chez moi et …
_ Non !
_ Quoi ? Non ?
_ Non je n’irais pas chez toi.
_ J’ai de l’argent
_ La poésie ça ne s’achète pas comme des sandales.
_ Écoute ! je suis vraiment motivé. Je pense que tu es un grand poète, peut-être le plus grand poète de l’inde…
_Pas de flatterie !
_Je voudrais simplement que tu m’initie un peu. Je sais que je ne pourrais jamais écrire ne serait-ce qu’un peu comme toi. Mais ce serais un immense honneur que tu me laisses venir assister à ton cours. »
Le vieux poète réfléchi doctement à la question. Quand il réfléchissait, il levait un doigt devant lui comme s’il cherchait un point dans l’horizon.
« _ Je vais voir. Viens la semaine prochaine à l’heure du cours des enfants. »
Un sourire radieux illumina le visage rond du policier.
« _ Merci ! Merci ! J’y serais »
La semaine suivante, à 17h tapante, heure ou des moineaux avaient décidé de prendre comme perchoir le bras de King George, la petite troupe d’enfant et son chef s’installa en gazouillant malgré la chaleur lourde. Au milieu du groupe avec sa carrure de boxer sur la fin, se tenait assis comme il le pouvait le policier devenu apprenti-poète. Certains marchands qui attendaient les clients sur le palier de leur échoppe, ils se faisaient des signes et sourires en coin, contemplant la scène avec amusement.
« _Le policier ! Viens là ! ordonna sur un ton péremptoire Akhil. »
Il désignait de sa main la place sur sa gauche. Le policier un moment étonné se leva en évitant d’assommer quelques élèves. Arrivé à la hauteur du vieil homme, ce dernier tendit au policier dégoulinant de sueur, un large éventail de fortune.
« Prends ça, j’ai chaud ! »
N’osant dire un mot, le policier obtempéra, pour lui le poète était un peu fou et autoritaire mais tout artiste n’était-il pas un peu en décalage avec la réalité ? Et puis sa soif d’apprentissage était tellement puissante, qu’elle valait bien quelques humiliations. Les gens pressés qui passaient en sortant du travail, observaient avec étonnement, ce grand policier en uniforme suant à grosses gouttes qui agitait un éventail sous le cou d’un vieil homme muni d’un chapeau melon. Akhil, à défaut d’être de sang noble, avait désormais un domestique, coiffé de sa couronne de feutre, il régnait sur son petit royaume de vers et de rimes.
A partir de ce moment-là, débuta pour le policier une suite ininterrompue de corvées et d’humiliations. Chaque vendredi apportait son lot de servitudes. Une fois, Akhil lui demanda d’apporter une bouteille d’eau provenant d’un magasin précis, bien éloigné de la place. Ensuite, ce fut un beignet de lentille qu’il fallait ramener bien chaud. Le policier du refaire le trajet car le vieil homme le trouvait tiède. Le policier acceptait sans broncher les nouvelles facéties du professeur. Mais un vendredi de trop, en début de séance…
« _ Ta chemise ?
_Quoi ?
_ Donne-moi ta chemise !
_Pourquoi en as-tu besoin ?
Il ne fait pas froid.
_ J’ai oublié mon tapis, répondit le vieil homme l’air revêche. »
Le policier prit une profonde inspiration. Intérieurement, un conflit très violent s’engagea entre sa croyance dans l’utilité de ce cours et une envie soudaine de lâcher prise. Son visage devint rouge quand il commença à vouloir enlever le premier bouton. L’agent de l’ordre savait qu’il se retrouverait torse nu devant tout le monde. Pour lui, c’était être aussi vulnérable qu’un nouveau-né. Et cette idée lui était insupportable. Il s’énervait sur le bouton du col. Quand il sortit dans un murmure.
« _ Non. Je ne veux pas !
_Quoi ? J’entends pas !
_ Je ne te donnerais pas ma chemise, je refuse cette humiliation. Depuis que je suis ici, je n’ai rien appris. Tu es juste un tyran en chapeau. La poésie c’est un prétexte. Je rentre chez moi dit-il avec force en se dirigeant vers l’autre bout de la place. »
Un sourire de victoire illumina le visage du vieil homme. Il courut très leste rattraper le policier.
« Hé ! Arrêtes ! C’est pas trop tôt ! C’est ça que j’attendais de ta part que tu te révoltes ! »
Le policier se retourna, scrutant Akhil avec méfiance.
« Aucun poète ne peut vivre esclave. La poésie est un chant de révolte. Si tu ne l’expérimentes pas, tu écriras comme tout le monde ! Va ! Observes les gens, le monde ! Écris chaque jour et reviens me voir la semaine prochaine en fin de cours. Là on pourra commencer à travailler. Ceci est ta première leçon. »
Ainsi, avait parlé Akhil.
La semaine suivante le policier fébrile ramena un carnet de notes . Ce fut le premier disciple adulte d’Akhil. Par la suite, les gens de Mumbay virent un policier les observaient puis noter ce qu’il apercevait sur un petit carnet rouge. Certain disaient que c’était une nouvelle méthode de surveillance mais d’autres, plus rêveur disait qu’il rédigeait un chant, long et âpre, coloré et fort, un chant sur les gens de Mumbay.